par Sébastien Goffinet
Récrivant sans le transposer le mythe grec d’Achille, Marie Richeux déclare sa flamme au poème. Et pas seulement à L’Iliade : elle prouve qu’au-delà de la mort promise à tout être vivant, seul le poème, celui qui dit les noms, les prénoms, celui des paroles inassujetties de l’oracle, est en mesure « aujourd’hui encore, d’infinis siècles plus tard » (p. 122) de donner vie à jamais. Le poème, et plus largement l’écriture, permet à qui n’est plus de se survivre, d’échapper au destin de mortel ; le choix d’une figure mythique est révélateur : Achille ne deviendra réellement invincible que parce qu’il aura été raconté (« les visages indistincts de tous ceux qui n’ont pas été racontés », p. 130) et Marie Richeux à son tour le perpétue tel. En ce sens, elle même, parce qu’elle écrit une prose poétique par laquelle elle s’inscrit dans le mythe (la narratrice à laquelle Achille rend visite se nomme Marie), se rend ipso facto immortelle.