Pierre Drogi : Le chansonnier

 
par Dominique Quélen

Dernier volet, dont « le chansonnier » proprement dit constitue la première partie, d’un triptyque que les circonstances ont défait et refait, et tant mieux : vingt fois sur le métier reposons la question du lyrisme, mais tel que l’a redéfini le second XIXe siècle. C’est Verlaine, Mallarmé, Rimbaud ou encore Apollinaire que continue ce « recueil de chansons encore chantables » où l’enfance et la légende affleurent (Cache-tampon est le titre de la séquence finale). La syntaxe se fait flottante comme l’attention, tandis que le vocabulaire se concrétise : glissement de deux plaques l’une contre l’autre, frottement de deux silex. Et de cette tension (« le silence tendait le silence ») naît une manière de chant diphonique1 qui avance en tressautant, « sismographe gracieux » des états de la conscience. Le poème devient une poignée de dés dispersés sur la page, en même temps qu’il y rassemble sens et sensations condensés comme une respiration dans l’air froid. Il se lit ainsi qu’une partition dans les deux sens (musique et partage) et se déploie à mesure qu’on progresse, en abscisse et en ordonnée, comme un temps et un espace qui se replieraient sur eux-mêmes en quelque rêveuse inception.




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La Lettre volée
126 p., 18,00 €
couverture

1. « diaphonie ou diphonie / c’est ce qu’on entend / depuis lors comptine bègue » (p. 7)