par Christophe Mescolini
Né en 1939, Jan Erik Vold est l’auteur d’une œuvre prolifique et protéiforme, littéraire et discographique1. Le grand livre blanc à voir reprend la structure des 12 méditations avec lesquelles il forme suite2. Des phrases simples, profilées en quatrains, dessinent une nudité brève de l’énoncé sur la page : ultrachromatisme et visualité. Le dernier mot d’une strophe est souvent rejeté au début de la suivante : « De l’hiver / nous avons fait / ce que nous sommes // devenus ». Le discours progresse ainsi par glissements légers, décrochages discrets. En résulte une tombée du discours, souvent d’une grande beauté.
La neige est ici signifiant matriciel, « cristal de souffle » poétique. Dans ce livre de la mémoire (où s’exprime aussi une conscience historique et politique), la ductilité thématique du discours enchante. Les enchaînements se font, d’une scène autobiographique à, disons, l’ours blanc de Denise Levertov, avec une absence de transition d’une fluidité déconcertante. L’intuition essentielle du livre est réduite en quelques vers très sobres : « Nous savions que ce qui est // a une autre teinte / que / ce qui / est ». Non coïncidence dont chaque poème serait l’exploration lente, jusqu’au vertige.
1. Vold a notamment collaboré avec des musiciens de jazz, comme Jan Garbarek, Chet Baker et Philippe Catherine.
2. Le faiseur de rêves, dernier volume de cette trilogie, est à paraître chez l’éditeur.