par Ludovic Degroote
Après Des rapprochements, Bruno Normand propose un livre qui se situe dans la même veine, sorte d’espace hybride qui ferait penser à un journal si l’écriture n’était bâtie à partir de décalages qui le tirent ailleurs. On pourrait parler de parcours, mais ce mot renvoie à une linéarité que, par exemple, la syntaxe et la typographie brisent ; on pourrait évoquer le collage si ne semblait prédominer un ordre chronologique marqué par des dates, sans année. Domine plutôt l’image d’un kaléidoscope, d’un corps qui se constitue peu à peu, sans se finir, c’est-à-dire sans aboutir à une forme pensée ou élaborée à l’avance, corps sans cesse en mouvement, redistribué au fil des expériences que propose la vie, cherchant plus un équilibre qu’une unité, une continuité avec le monde, à l’image de ces énergies qui nous traverseraient autant qu’elles pourraient nous rassembler, et de ces références au taoïsme. Cette recherche d’une sérénité, « avec le ciel en nous », n’exclut ni les difficultés – le travail aux chantiers navals, la santé -, ni la présence constante de l’amour et de l’érotisme, qu’il s’agisse d’interroger le corps féminin, la jouissance ou de l’intégrer à un projet artistique de l’auteur vidéaste, diversités que croisent les lectures et la fabrication du poème lors de parties en vers.