Pier Paolo Pasolini : La Persécution

 
par Narciso Aksayam

L’opportunité pour un éditeur de diffuser la part méconnue d’une œuvre cependant rayonnante en d’autres arts ne se présente pas toujours aussi bellement qu’elle fait cette année pour Pierre Paul Pasolin dont la vie romanesque passée à l’écran par Abel Ferrara trouve en les affables traits de Willem Defoe de quoi soutenir médiatiquement jusqu’en nos fragiles librairies quelqu’audace éditoriale. Bien sûr le travail de René Ceccatty1, tout de probité, renouvelle l’insolvable questionnement dont enfle toute traduction : comment respecter la chronologie prosodique des termes ? Faut-il traduire les noms propres de lieux pour transposer l’impact affectif dans le cœur du lecteur initialement étranger2 ? Devra-t-on respecter la rime pour en faire éprouver le relâchement et les transgressions3 ?... Sa sélection, parcimonieuse et dense cependant, couvre 16 années de publications, dont la poétique est le revers diariste et intime d’une vie de plateaux et de mises à l’épreuve médiatico-juridiques. La forme est souvent longue, ample, dédiée et circonstancielle. Entre polémiques atrabilaires d’un autre âge, où bureaucratie et sous-prolétariat font le lexique inévitable, invectives ou hommages flamboyants4, une implacable charge d’amertume court tout au long de la lecture, sous un soleil mordant d’errance urbaine, de dépits politiques en anxiétés contemplatives, avec des entremêlements de buissons secs ; poésie sacramentelle et épineuse où crisse le gravier, sous le pas essoufflé d’un enfant qui accourt, l’œil mordant de vitriol, surprendre le cortège automobile des mœurs hollywoodiennes tandis que la literie aux balcons exhale les transpirations de lendemain d’une longue nuit fasciste. Ghetto, jeunesse, violence, dates accumulées d’une filiation impossible à la horde humaine, prière vacillante comme la séduction des rues, nous suivons pas à pas les éclats dispersés d’une incandescente souffrance confiée à une vie parallèle où se taisent les caméras, mais où se livre la blessure d’une troublante amitié.




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Points
« Poésie »
352 p., 11,20 €
couverture

1. Recollection, translation et préfaçation.

2. L’appareil de notes se charge essentiellement d’abondants commentaires géographiques, énonçant pour l’ignorant parcs, routes, quartiers et autres topos romains…

3. Bilingue, l’édition offre tous les abords possibles pour les affres abyssaux de cette question promenée dans les souterrains sémantiques qui perforent le sol formel de nos langues.

4. Marilyn, la Callas, Moravia, Sartre ou quelque président du conseil, quelque ministre implicite, font la destination d’envois hymniques plus ou moins dévoués, plus ou moins cruels.