par Michel Ménaché
Après la disparition de Pierre Garnier, en 2014, Lucien Wasselin qui a souvent commenté son œuvre et suivi son parcours, du « terreau de l’École de Rochefort » au spatialisme, réunit en un volume ses souvenirs de l’auteur et la compilation des textes qu’il lui a consacrés. Grand lecteur des poètes allemands, influencé par Milosz, Pierre Garnier cultive dès ses débuts l’humanisme philosophique, la pensée matérialiste et la méditation métaphysique. Des Armes de la terre à La nuit est prisonnière des étoiles, sa poésie s’ouvre aux réalités et au mouvement du monde. D’abord admirateur de Maïakovski, d’Aragon et d’Eluard, héritier de la poésie de la Résistance, il s’éloigne dès 1959 du parti communiste et du poète de La Diane française à propos de la « poésie nationale » et de la vision péremptoire de celui-ci à propos du réalisme socialiste. Wasselin voit donc en Garnier un « communiste solitaire » ébloui par La Cantate des forêts de Chostakovitch, se ressourçant à la langue populaire de ses origines picardes qu’il « déprovincialise », avant de s’adonner pleinement à une approche personnelle du réel par le spatialisme afin de ne plus se répéter : « Nous piétinons. L’esprit tourne. La poésie piétine. » Mais, effrayé par la disparition accélérée des espèces, le poète spatialiste, jamais désincarné, ne renonce pas à ses préoccupations écologistes. Wasselin cite aussi Ilse Garnier pour la défense et illustration du spatialisme : « La poésie spatiale relevant d’un lyrisme mystique ouvertement matérialiste et agnostique, c’est-à-dire de pure immanence, n’est pas qu’une forme géométrique ou que mécanismes, permutations, compositions. Elle est aussi un organisme, une matière, une énergie à la fois corporelle et incorporelle, à la fois systématique et sensible. » L’ouvrage comporte en deuxième partie cent nanopoèmes spatialistes, imitation fraternelle des Chants du cercle de l’ami disparu. Les cercles de Wasselin vont par paires : « Lumière de Pierre Garnier / Pierre au centre de la forêt. » Et en dernière page, comme deux larmes d’encre souriantes : « Le cimetière tourne / La mort est un nanopoème. »
Suivi de Saisseval les hortillonnages
L’herbe qui tremble
128 p., 14,00 €