François Heusbourg : Hier soir

 
par Caroline Sagot Duvauroux

On voudrait écrire comme François Heusbourg pour raconter hier soir en chemin ; en décalant à peine le chemin d’écrire à lire. Car il ne s’est rien passé là que le soir et c’est demain, nous sommes demain qui lit hier soir sans jadis ; un naguère où l’écriture à tâtons tient la violence en respect, imperceptible dans le coma, mais nous devrions dire comma du présent de la vision tant l’interstice est fragile entre deux notes. Il y eut violence cependant, tout est en morceaux.
On ferme la porte sur le jour. Un vous. On peut encore prononcer le jour. Ce vous. Ce vous flotte entre elle et soi, on se parle à soi mais c’est elle parfois ou la chose : l’empêchement. Je c’est plus net : il écrit, il dit. Tente une conversation.
On ramasse la pièce à l’intérieur de la pièce, mais on perd les choses parmi leurs morceaux. C’est un paysage du coup, sans les noms. Le nom est intact, parce que perdu sans doute, comme dans la mémoire proustienne.
Nous serons de retour hier. Dans ce futur antérieur, le nom a eu le temps de sécher à la lèvre. L’eau est ailleurs – en fuite – chaque chose est seule. Pas de plancher par exemple en dehors du regroupement du mot ; des lattes, une et une et une. Un sol oui, cruor. Une asyndète de fragments qu’on peut dire choses : table, porte chuchotis, songe, entre des temps : soir, hier, jour.
Du retard s’est pris les pattes en chemin mais il n’y a pas de chemin. Des durées, oui, des phrases courtes avec des points. On ne trouve pas, ici, sans doute parce qu’on ne cherche pas. On est environné, c’est inquiétant, par soi-même, au dehors. Problème : on ne peut pas sortir de dehors. On cherche, si, une porte c’est important mais la mort est dedans la porte. Dedans qui est dehors. Il faudrait s’en remettre à demain. Demain plein d’hier et de soir, au chemin déjà comble. Dans les escaliers, une fuite d’eau sert de débâcle (d’espoir de mouvement ?), sinon tout est embâcle. Faire quelque chose est impossible même nommer. On écoute parler le langage, il est seul aussi. Vous, c’est doux dans la langue. Puis on prononce un nom dans le silence ou plein de silence mais tout de même. On est pris dans soi-même parlant. On manque d’arguments pour se taire. Souvenir ? non, ce qu’on ignore remonte (est-ce ça la ritournelle ?) par les fentes des matières.
On ne voit jamais soi ni la tasse, on voit des morceaux. En fait il n’y a pas grand-chose à dire sans briser le livre car il montre plus qu’il ne dit. Il tient par son suspens. Montre un tout petit temps plein d’épars, avec hier et le soir. C’est un poème.
On a posé des mots sur la cruauté. Rien ne guérit. Il n’y a pas de différence.




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Æncrage & Co
56 p., 21,00 €
couverture