Cédric Le Penven : Bouche-Suie

 
par Sylvie Durbec

C’est un livre traversé par la colère, fait de courts textes rageurs. Livre d’enfant empêché. Le titre, Bouche-Suie, montre que le poème vient du plus noir pour briser le silence : « Bouche cousue. Par un frère sombre. » Le poète affirme la blessure (feu et cendres) provoquée par un père autoritaire en même temps que la violence qui habite son corps et sa langue, car tout est contaminé : ventre, amygdales, gorge, chair, tout le corps est prison. La mort rôde. Pourtant le poids de la suie, sa lourdeur, est allégé par le rythme choisi par le poète, comme une ritournelle qui berce la douleur. Le rappel allusif aux poètes aimés renforce cet aspect, Apollinaire et Verlaine. En fin de recueil l’espoir : la bouche-suie a trouvé sa voie : « Lentement je passe de pièce en pièce à la recherche de ma voix. Je regarde mon chien qui s’enroule autour d’une source invisible. Lente, sonore. Comme un rêve familier »1. Après les mots sombres et nus, le dernier poème permet l’apaisement. Cédric Le Penven a écrit un livre intense et douloureux avec un sens très fin de ce que doit être une langue poétique, libre et contrainte à la fois, la sienne, où l’on retrouve la même force qu’il y avait dans le très beau Sur un poème de Thierry Metz paru chez Jacques Brémond.




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Éditions Unes
48 p., 15,00 €
couverture

1. page 42