par Nadine Agostini
Premier recueil de poésie qu’André Robèr publie entièrement en français ; auparavant, il alternait sans les traduire, d’une langue et l’autre, le créole et le français. « J’écris comme / Je dicte ». Sa poésie est faite, comme sa démarche, d’anarchisme et de pensées sages, de violence et, comme sa voix enveloppante, d’une grande douceur. « J’explore les dernières parcelles du possible / Si minces soient-elles, je les chevauche / Je les califourchonne ». Chez cet auteur, la pensée et le corps sont étroitement liés. Il n’a pas peur de dire le désir ni les joies de la chair, au contraire, sa langue s’y épanouit. « Jusqu’à l’épuisement coincé entre tes cuisses / Du lac j’en ressors lentement / Et c’est pour mieux plonger en eau profonde que je me prépare... Vivre comme il se doit ». Et puis « La mottelette ouverte / Danse le rigondonne / Et gonfle la mouflette / Rythmé par le picotin ». Une pensée faite de partage, de questionnement sur l’autre, sur l’immigration, sur les espaces capturés, les hommes épuisés. « Qui donc trace les frontières / Qui donc a imaginé cela ». Et puis « Dominer l’autre n’est pas un acquis ». Des textes au sortir de la nuit et du rêve, certains comme des chansons. Des poèmes au paysage d’ici et d’autres de l’autre côté de la mer d’en bas. Ça laisse dans la bouche comme une double langue. « Écoute les bibliothèques / Elles parlent l’histoire ». Lourdeur et légèreté. Regard sans illusion sur le futur du monde. Cela sans amertume.