Patrick Dubost : Tombeaux perdus

 
par Julien Le Gallo

Dans Tombeaux perdus, présenté sous une première forme en 2004 au Théâtre des Bernardines à Marseille, Patrick Dubost poursuit ses explorations poétiques à la lisière du théâtre. Formellement, le texte s’apparente à un monologue brouillé par un jeu de retraits et d’italique, dans lequel viendraient s’entrelacer plusieurs fils. Une énumération indéfinie de tombeaux tend la lecture vers l’avenir1. Un décompte qui court dans le texte l’ancre à une origine perdue dans le passé2. En équilibre entre les deux, ou tentant de tenir chaque fil d’une main, le locuteur ne cesse de faire advenir sa mort par la parole dans un présent qui recommence à chaque instant. Son nom est mentionné dès le début du texte – il s’agit d’Oreste, mais de son histoire, il ne reste plus que des miettes : « Il paraît qu’il a tué sa mère et l’amant de sa mère. Il paraît que sa mère avait fait tuer son père. » Le texte se donne ainsi davantage à lire comme une série de fragments que comme une Orestie au sens strict. Ou, pour le dire plus précisément, si chaque fragment du texte amorce en un sens une pièce, son argument, la mort du personnage, la condamne à ne jamais dépasser quelques lignes ; c’est à chaque fragment une nouvelle pièce qui s’ouvre et se termine. « Je meurs à la fin de chaque phrase. Je meurs à la fin de chaque mot », dit Oreste. Tout a déjà eu lieu et rien n’a lieu : ce pourrait être une tragédie si dans la circularité du temps de la pièce, quelque chose advenait. Mais c’est plutôt la temporalité qui se dissipe finalement dans un flux cotonneux d’images régulièrement paradoxales3.




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La rumeur libre
80 p., 14,00 €
couverture

1. « Tombeau de Démocrite. Tombeau d’Arcésilas. (…) Tombeau de Pénélope. »

2. Le texte énonce successivement qu’il y a « 91 sortes d’animaux dans la parole, sans que nécessairement on les retrouve dans une histoire », « 90 chandelles éclairées plus quelques unes éteintes », « 89 théories d’oiseaux perdus » etc.

3. « L’instant exact de ma mort exacte est si loin derrière moi que je crois pouvoir affirmer aujourd’hui qu’il n’a jamais existé. »