Lionel Ray : De ciel et d’ombre

 
par Christian Travaux

En moi, dit le poème, est cet horizon du langage qui fait seuil, qui fait miroir. En moi l’ombre des mots où se lit le visage ancien, le fil des jours, où tout est poudre et vacillement. En moi est le silence, désormais, écrit Lionel Ray. De ciel et d’ombre, où – en trois sections inégales – le poète de Syllabes de sable poursuit son trajet d’écriture : qui est-on ? Qu’est-on dans le jeu du langage, face à la page ? Qu’est-ce qu’écrire, s’épuiser à dire, quand le temps file et nous avale ? Qu’est-on, enfin, quand la courbe des jours s’avance et se présente sur sa fin ?

Ce ne sont que ruines, infiniment cendres et décombres, qu’il faut dire, qu’il faut trier pour y retrouver son visage. Ce n’est que rouille, désormais, rêves où rien ne tient. Le temps, de sa présence noire, nous menace, nous fragilise. Et nous, nous errants passagers, comme le dit Lionel Ray, nous interrogeons vainement l’écriture comme un miroir.
Le ton, par rapport aux recueils antérieurs, s’est assombri. La voix est plus frêle, et tâtonne, laissant dans la page apparaître des trous d’encre, des bancs de mots. L’heure est au bilan d’une vie, où tout ce qui est à venir n’est plus que du temps qui s’en va. Les choses dorment, tandis que nous quittons la place. Et c’est alors – dit Lionel Ray – qu’il faut entrer dans la spirale de l’obscur, du froid, du sombre, qu’il faut réunir ses visages, tous ses visages, un à un essaimés jadis ; alors s’apercevoir que tout passe, tout se dilue, rien ne reste que quelques traces – rien qu’une image, à peine une image de nous – que nous égarons derrière nous.

De ciel et d’ombre est ainsi ce dernier recueil, obscur et sombre, où se disent – au déclin de l’âge – les ténébreuses fêtes solaires de celui qui quitte la vie. Mais une voix s’entend pourtant, dans des textes de plus en plus ténus, s’écrivant en vers courts. Et ce sont, sans doute, les plus beaux, « Langage est horizon », ou « Au miroir des mots », là où le poète abandonne la recherche, le questionnement, pour une confession des plus pures. Des plus touchantes.




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Dessins de Julius Baltazar
Al Manar
80 p., 16,00 €
couverture