Friederike Mayröcker : CRUELLEMENT là

 
par Alain Cressan

L’éditrice poursuit ici son beau travail de publication de Mayröcker1. On repense à Brütt, écrit aussi à la première personne dans une prose foisonnante : jungle jubilatoire où s’entremêlent les lexiques botaniques, les noms propres (Genet et Derrida, omniprésents, et nombre de peintres), les impressions & images fulgurantes. Une adresse, interlocuteur imaginaire ou peut-être double fantasmé d’Ernst Jandl, sous-tend l’ensemble : « dis-je à Ely » – le monologue défilant ici rappelle celui du diariste assis à la table de travail, mais est aussi dialogue avec l’absent – « ich sitze nur grausam da » est le titre original. On songe à un journal onirique, une mémoire au travail entre veille et inconscient, où le corps est très présent : « […] dans mon enveloppe de bourgeons sous les toits où je me suis enfermée, dis-je à Ely, ce qui est une rêverie, nous avons compris, Ely et moi, que c’était 1 sorte de miroir de confession […] ». Le texte avance par télescopages & bifurcations incessantes, auxquels la ponctuation, très précise, impose différents rythmes (précipitation en périodes déponctuées, phrases amples aux multiples propositions, brèves saillies) – une superbe expérience de lecture.




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
Traduit de l’allemand (Autriche) par Lucie Taïeb
Atelier de l’agneau
128 p., 18,00 €
couverture

1. Françoise Favretto a publié Métaux voisins, Asile de saints, Brütt ou les jardins soupirants depuis 2003.