par Alain Cressan
L’éditrice poursuit ici son beau travail de publication de Mayröcker1. On repense à Brütt, écrit aussi à la première personne dans une prose foisonnante : jungle jubilatoire où s’entremêlent les lexiques botaniques, les noms propres (Genet et Derrida, omniprésents, et nombre de peintres), les impressions & images fulgurantes. Une adresse, interlocuteur imaginaire ou peut-être double fantasmé d’Ernst Jandl, sous-tend l’ensemble : « dis-je à Ely » – le monologue défilant ici rappelle celui du diariste assis à la table de travail, mais est aussi dialogue avec l’absent – « ich sitze nur grausam da » est le titre original. On songe à un journal onirique, une mémoire au travail entre veille et inconscient, où le corps est très présent : « […] dans mon enveloppe de bourgeons sous les toits où je me suis enfermée, dis-je à Ely, ce qui est une rêverie, nous avons compris, Ely et moi, que c’était 1 sorte de miroir de confession […] ». Le texte avance par télescopages & bifurcations incessantes, auxquels la ponctuation, très précise, impose différents rythmes (précipitation en périodes déponctuées, phrases amples aux multiples propositions, brèves saillies) – une superbe expérience de lecture.
1. Françoise Favretto a publié Métaux voisins, Asile de saints, Brütt ou les jardins soupirants depuis 2003.