par Alain Cressan
« Derrière la garde-robe, il y a une ville / à tiroirs ». Ainsi s’ouvre le livre de Mizón : tiroirs d’un « imaginaire onirique »1 est-on tenté de penser, dans les mouvements brusques du lexique, comme dans un langage-rêve où s’entrechoqueraient les idées, les mots : « je ne suis que la maison de mes paroles / elles voyagent avec moi / sans demander la permission / […] mon vaisseau est un poème / je ne suis qu’un vers ». Consciemment, dans la prosodie, le vers prosopopée fait bruire le corps du langage, celui du scripteur, dans la salle des machines, centre vide du texte : « tout est écrit par le corps » ‒ vers auquel répond, face-à-main, le dessin de Philippe Hélénon, parmi « des archipels de taches d’essence / et de mazout iridescent ». Comme dans une charade à tiroirs – « je ne connais pas les règles de ce jeu » ‒ on suit l’oscillation d’une pensée, au gré d’un inconscient (la « cave de mon vaisseau » qui abrite « mes compagnons » ‒ « qui sont-ils » ?), d’image en image, souvent paradoxales, mais qui se rendent échos : « je tombe par l’escalier des mots / […] j’écoute l’écho d’une balle invisible », illuminations brèves sous un patronage rimbaldien (« même si je suis un autre »).