par Vianney Lacombe
Dans son dossier occuper la page, la revue Grumeaux donne à voir un espace particulier pour chaque texte : Luc Bénazet organise son projet Articuler sous forme d’un entrelacs, Maurice Roche colore et annote son manuscrit comme une carte de géographie, un lieu dans lequel nous vivons avec des phrases et du temps pour le passer. Barbara Manzetti se comporte comme une chorégraphe en donnant un volume à son texte, en le soulevant avec des post-it. Dans son travail, c’est le mouvement du texte qui est le sens, tandis qu’Hélène Bessette donne la voix à une partie de ping-pong qui envahit la page, pendant que paysages et personnages reculent à l’arrière-plan. Jean-François Bory donne une équivalence visuelle au contenu de ses poèmes, mais surtout il attire notre attention sur le contenu de la page d’ordinateur qui n’est plus un ensemble de signes, mais un seul code général, un vaste ensemble-flou ouvrant sur une réserve infinie d’irrésolution. Rémi David organise sa page comme un texte de sons qui doivent être dits, et Anne-Sarah Huet se sert de l’ordinateur comme d’un lieu de narration qui se déploie sur les différents plans de son fond d’écran. Martin Högström, même s’il reste dans la planéité, considère les poèmes comme des sculptures de mots dont les dimensions sont des multiplicateurs de sensations et permettent de donner à un même poème des versions d’intensités différentes. Charles Pennequin et Jean-Luc Parent apportent une dimension expressionniste à ce dossier : Pennequin en saturant les pages de mots et Parent en accumulant les couches sédimentaires d’écriture.
Le dossier Double Change qui compose la deuxième partie est consacré à des poètes américains : Stephen Rodefer dans un texte de 1982 qui fait penser à Ken Wainio par son énergie et la dislocation de son champ de conscience, Larry Eigner, une autre forte présence, donne à voir les signes de son texte traversés par la lumière de la page blanche, tandis que Rachel Levitsky mêle prose et poésie avec humour dans une histoire accidentelle de notre non-existence.