par Tristan Hordé
Le livre s’est ouvert est composé de deux ensembles distincts : un poème en vers libres divisé en sept séquences, qui donne le titre au recueil, et trois poèmes dédiés à Jean-Luc Steinmetz, Esther Tellermann et Dominique Grandmont, hommages et en même temps esquisse d’un « art poétique ». La première partie est le récit d’une marche dans la ville, qui aboutit à une librairie amie ; ville lisible comme un livre, où le narrateur croise des personnes qu’il connaît, écoute, et dont il rapporte des échanges. Le nom de la librairie, « Calligrammes », n’est pas indifférent : le récit, sans que soit adopté pour l’écrire un dessin à la manière d’Apollinaire, a cependant une forme qui varie au fil des pages ; dans les deux premières séquences, un vers horizontal construit plutôt un itinéraire intérieur et des vers dans la verticale de la page sont relatifs au mouvement de la marche, l’un d’entre eux commun au premier vers. Le dispositif est simplifié ensuite, quand les thématiques se séparent, puis seule la librairie, c’est-à-dire le « réel », s’impose. C’est justement la recherche du réel, « la mise à nu de l’évidence », qui pour François Rannou doit être restituée dans la poésie, et il refuse nettement, dans la seconde partie du livre, ce qui s’en éloigne. Il ne s’agit pas de re-présenter, mais bien de faire que l’on saisisse dans le poème quelque chose de « l’insu », de « l’inouï du réel », condition pour la rencontre avec l’Autre. Le poème pourrait alors être analogue à un col, qui sépare et permet le passage : « j’écris pour sortir / de ma parole ».