Anne Penders : de Chine

 
par Christophe Stolowicki

Sarcophage d’ombres peu chinoises, coffré de ses revers un généreux volume à l’aplat bistre dont un calame a tracé le titre, et dans un murmure rouge le nom du poète. Aucun carnet de route1 n’épèle plus les idéogrammes de l’élastique spatial tendu à se rompre, soi ne déferle plus en vagues d’années-lumière pour « manger l’espace d’un seul coup de paupière », « changer de pays comme de chemise »2. À défaut, dans un montage large millimétré courent à trois temps, calligraphie sans fil, le poème ou sa lucide3 tragique absence ; en marge les citations d’une chineuse de sinologues dont une ligne déborde dans l’intervalle des strophes ; et des photographies devenues le vrai corps de l’œuvre, les légendes en décrochage manquant à leur étymologie. Feuilletez à présent les pages murales dans tous leurs gris comestibles ou désespérés, les lianes lumineuses s’enchevêtrant en palindrome de dextre à senestre, les lignes de fuite d’une géométrie criant ruine, une boule de feu qui s’ébarbe, et le flouté flouant l’effet. En résidence d’écriture à Marseille dont le grand vent redouble son exil, désenchantés les mots Anne Penders a converti une commande inexécutable en un chef d’œuvre visuel, palpable, graphique, une merveille de cénotaphe.




Share on FacebookTweet about this on TwitterPin on PinterestShare on TumblrEmail this to someone
Photographies de l’auteur
La Lettre volée
224 p., 28,00 €
couverture

1. Dimanche, esperluète, 2004, notes poèmes d’un baudelairien voyage en Asie de six mois, les soleils qui la cuivrent / effacent lentement la marque des baisers.

2. Thaïlande – Laos – Chine – Japon – Hong Kong.

3. « Le souvenir ravivé n’est qu’artifice », « L’écriture – en panne », « Un pan entier de moi est tombé dans l’oubli ».