par Christophe Stolowicki
Sarcophage d’ombres peu chinoises, coffré de ses revers un généreux volume à l’aplat bistre dont un calame a tracé le titre, et dans un murmure rouge le nom du poète. Aucun carnet de route1 n’épèle plus les idéogrammes de l’élastique spatial tendu à se rompre, soi ne déferle plus en vagues d’années-lumière pour « manger l’espace d’un seul coup de paupière », « changer de pays comme de chemise »2. À défaut, dans un montage large millimétré courent à trois temps, calligraphie sans fil, le poème ou sa lucide3 tragique absence ; en marge les citations d’une chineuse de sinologues dont une ligne déborde dans l’intervalle des strophes ; et des photographies devenues le vrai corps de l’œuvre, les légendes en décrochage manquant à leur étymologie. Feuilletez à présent les pages murales dans tous leurs gris comestibles ou désespérés, les lianes lumineuses s’enchevêtrant en palindrome de dextre à senestre, les lignes de fuite d’une géométrie criant ruine, une boule de feu qui s’ébarbe, et le flouté flouant l’effet. En résidence d’écriture à Marseille dont le grand vent redouble son exil, désenchantés les mots Anne Penders a converti une commande inexécutable en un chef d’œuvre visuel, palpable, graphique, une merveille de cénotaphe.
![couverture](http://cahiercritiquedepoesie.fr/images/couvertures/30-1/STOLOWICKI-penders.jpg)
1. Dimanche, esperluète, 2004, notes poèmes d’un baudelairien voyage en Asie de six mois, les soleils qui la cuivrent / effacent lentement la marque des baisers.
2. Thaïlande – Laos – Chine – Japon – Hong Kong.
3. « Le souvenir ravivé n’est qu’artifice », « L’écriture – en panne », « Un pan entier de moi est tombé dans l’oubli ».