par Claude Chambard
Fasciné par le roulement des billes incontrôlables du patchinko le corps de Jean-Jacques Viton marin dans la tempête
ou comme la vie est stressante, bruyante, énervante, J.-J.V. au patchinko, passe & repasse la vie en billes lourdes, bruyantes, hasard hasard, billes fantômes, arcs, paraboles, lancées de billes, machine à sous, tout à la verticale comme le poème, la tour Eiffel
ou tout sur le lance-pierres & roule cette bille du patchinko « si quelqu’un a sommeil qu’il s’endorme », cette bille du patchinko, « le fond c’est le début il faut chercher », mais les billes gagnées sont-elles échangeables, sont-elles échangeables contre de l’espoir, de la vie en suspens, de la vie en plus, de la vie en moins, que gagne-t-on au patchinko Jean-Jacques Viton ?
comme un retour, un reste rapporté des abîmes d’un voyage d’été, d’une accumulation vite, d’un vestiaire, quelques cartes postales (some postcards dit J.-J.V.) d’un voyage en Chine comme une avancée du réel sur le temps & la mémoire & inversement – évidemment donc, commencer : « c’est un rude métier », « comment trouver le début », « quel texte / à trouver / manque des choses »
manque toujours des choses, ces choses qui s’usent de n’être pas là, de n’avoir ni place, ni cesse, car recommencer, recommencer encore, c’est sans fin, ça dévale de tous côtés, c’est le « lavage absolu de la figure », « un bruit parasite « patchinko fait quoi / sert à quoi », « c’est un match répétitif / tout est propre sur les franges »
manque une photo, puis une photo, – vous savez cela J.-J.V. n’est-ce pas, vous le savez – & une photo apparaît là où déjà elle disparaît, « le temps presse il est là »
pas d’abri, pas d’abri dans le patchinko : une suite de précipitations & rien pour les éviter, si ce n’est la vitesse de sédimentation des mots
renversement & dissymétrie, transparence & opacité, la langue brûle, la poésie de Jean-Jacques Viton s’autodévore dans le patchinko de sorte que, déjouant tous commentaires, elle est grave, candide, généreuse & méfiante, libertine & blasphématrice, légère & enjouée, objective & crédule, archiviste & dépensière, elle énonce comme jamais cette vieille évidence : « tout est fini / le plus dur reste à faire ».
— Article publié dans CCP n°4, 2002.