Jean-Jacques Viton : Le Voyage d’été

 
par Véronique Vassiliou

Wanted

 

Jean-Jacques Viton est un récidiviste. Inutile de tenter de le capturer. Il aime les aventures et en voici quelques unes exposées (en pellicule ?) dans Le Voyage d’été. De nouveau à « l’œuvre » dans un détournement. Jean-Jacques Viton est en effet l’auteur de plusieurs détournements ou méfaits, au Décollage1 (de quelle piste ?) et en quelques Épisodes2. Là, il prend les poètes et les déshabille, là encore c’est L’Assiette3 dont il bouleverse le contenu, ici il a détourné le livre et en a fait un moyen de transport. Le lieu, l’espace de déplacements. Il s’agit d’une Accumulation, vite4, d’une sorte de collecte initiale d’éléments écrits (ready made ?), d’odeurs, de sons, de rythmes, effectuée en sept lieux géographiques : qu’ils « connaisse ou pas certains des pays abordés dans les sept chapitres qui composent ce livre (Chine, Inde, La Havane, Saint-Pétersbourg, Londres, Alexandrie et Le Caire, Madrid et Barcelone) » nous dit-il en quatrième de couverture. D’une collecte travaillée à froid, immobile. Pour en faire un très beau livre dont on pourrait dire que « c’est l’expérience du différé » mais pas seulement. Dont on peut dire que c’est en outre un très beau poème, en étant certain que ça en est un, dans sa parole interrompue, dans son lyrisme discret et sans complaisance, dans la mise en scène de ce je qui devient autre. Dans ce rythme rapide, dansé jusqu’à la danse : « Yambo yamba yambabé » ou « tumulus mastaba / mastaba tumulus ». Dans ce qu’il offre de pensée sur la pensée, de langue sur la langue :
« alors bouger traverser encore / faire visite aux images fixes / il s’agit de voyager sur place ».
Dans ce qu’il dit de ce qu’il fait et fait différemment de ce qui a été fait ou doit être fait :
« Je passe d’ailleurs sur tout le reste / dans le voyage en évitant les pyramides / (ceci n’est pas un journal) ».
Dans ce vers aux qualités objectivistes (la lecture de la correspondance de Reznikoff fait partie du voyage), c’est-à-dire au rythme de la vie, de celle qu’on vit, aujourd’hui, là et maintenant, et de ce que le poète y a vu, en marche, « ne vivant que de la piste à finir5 ».

— Article publié dans CCP n°0, 2000.




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P.O.L
96 p., 120,00 f

1. P.O.L, 1986.

2. P.O.L, 1985.

3. P.O.L, 1996.

4. P.O.L, 1994.

5. In Avertissement de Épisodes, P.O.L, 1989.