par Claudine Galea
Ce livre commence par un aveu. Lorsqu’elle voit Nuit et Brouillard à l’âge de quinze ans, Christiane Veschambre « trouve le film assez ennuyeux / je ne saurai pas dire / de quoi ça parle. »
La guerre est finie depuis quinze ans, elle est dans toutes les têtes et toutes les familles. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Pourtant les images sont disponibles en flux continu sur le Net, les images de cette guerre-là, ancienne pas lointaine, et les images d’autres guerres plus anciennes ou plus récentes, en flux continu. Ce qu’écrit ensuite Christiane Veschambre peut être dit et répété : « j’apprendrai quel écran délavé s’abaisse en nous / devant l’innommable ». En regard des mots, des images colorées et noir et blanc. Images de femmes chapeautées maquillées souriantes images d’hommes défilant au front dans la fumée des explosions. C’est le travail de Philippe Bertin qui associe colle monte des images tirées de journaux féminins et d’une revue de propagande nazie. Femmes contre hommes, vie contre mort et que rien ne change ! Démarcations est un petit livre qui accompagne une exposition itinérante de 24 collages et sept textes pour que rien ne reste en l’état, pour inciter, accompagner, produire, vivifier le changement. « Toute zone est libre / pour l’occupation ». Un livre est cet espace libre pour cette occupation-ci : que tout peut être dit et montré. « On n’a jamais déjà vu Nuit et Brouillard » Abaissons les écrans délavés, continuons à montrer N&B pour espérer voir.