Yves Di Manno : Terre ni ciel / Champs, un livre-de-poèmes

 
par Hervé Laurent

Le plus souvent les écrivains – et particulièrement les poètes – n’aiment guère admettre qu’ils se lisent entre eux, s’épient du coin de l’œil, se recopient les uns les autres, s’amuse Yves di Manno, dans un tableau à peine forcé du microcosme qu’il connaît bien. À l’inverse, avec Terre ni ciel, troisième volet de sa poétique, recueil de textes théoriques ponctué de poèmes et reproduisant d’éclairants entretiens, il entend payer sa dette aux auteurs qui l’ont accompagné tout au long de sa recherche, et avec lesquels il ne cesse de dialoguer – de vive voix ou au travers des livres lus, parfois traduits ou édités. À suivre sa pensée critique qui entretisse son travail et celui des poètes qui le nourrissent, on en vient à se dire que, si elle n’est faite par tous, la poésie est en tout cas toujours l’affaire de plusieurs. On pourra donc se prendre au jeu qui consiste à repérer les présences étrangères entre les pages rééditées de Champs, ce livre-de-poèmes commencé en 1975, destiné à accompagner une vie mais qui s’interrompt pour laisser la place à d’autres projets, la maturité venant, une décennie plus tard. On y vérifiera surtout que di Manno y expérimente sans relâche, ici revisitant le format classique du sonnet, quitte à le malmener joyeusement, là redécoupant le poème selon les règles d’une prosodie visuelle qu’il réinvente en s’inspirant sans doute de la leçon des grands Américains qui comptent tant pour lui.

Champs apparaît, avec le recul, moins comme une alternative radicale, il y en eut beaucoup à l’époque – certaines de fécondes – travaillant à sortir le poème de la complaisante plainte lyrique dans laquelle il végétait depuis belle lurette, que comme le chantier d’un renouvellement du lyrisme par un ensemble de recherches formalistes sans tabou et sans a priori. Loin de postuler la disparition de l’auteur, alors fêtée par d’autres – l’entreprise poétique d’Yves di Manno aura plutôt consisté à aménager son retrait, en quoi elle ne cesse d’être d’actualité.




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Terre ni ciel
José Corti
« en lisant en écrivant »
288 p., 21,00 €
Champs, un livre-de-poèmes 1975-1985
Édition définitive
Flammarion
« Poésie »
352 p., 20,00 €
couverture
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