par Gérard-Georges Lemaire
Ce choix d’essais de Clement Greenberg peut être divisé en trois sections : en premier lieu, l’histoire de l’art, avec ses considérations sur les artistes impressionnistes, Picasso, Kandinsky, Soutine, ensuite la critique d’art avec l’École de Paris et des monographies d’artistes américains, dont Hans Hofmann et David Smith, la dernière sur la littérature. Celle-ci est sans doute la moins connue de tout son travail, car on ne voit pas d’emblée le lien de Greenberg avec le théâtre, le roman et la poésie. Dans ce volume, on trouve un essai assez pertinent sur Kafka et la judéité, des réflexions sur la poésie de Bertolt Brecht et surtout des articles sur T. S. Eliot, qui semble avoir été sa passion. Les deux essais qui servent ici de prolégomènes font référence à la pensée du grand poète britannique. Ses considérations assez curieuses mais intéressantes sur le kitsch lui sont redevables d’un certain nombre de réflexions et quand il parle en 1953 de l’état de la culture au XXe siècle, il le cite souvent, en soulignant sa déception pour les positions conformistes qui ont été les siennes après sa conversion au catholicisme, mais qu’il ne condamne pas en bloc. Et entre ces deux articles généraux, il examine en 1950 un livre d’Eliot qui est essentiel à ses yeux : la Fonction de la critique (1923). Cet ouvrage, ainsi que d’autres textes d’Eliot, le conduisent à formuler sa pensée sur la critique d’art qui, à ses yeux, doit être plus près de l’objet qu’elle étudie. Ce qui est curieux dans la démarche de Greenberg, c’est qu’il ne tend pas à un système d’analyse, mais insiste sans cesse sur quelques critères fondateurs de la critique. Tout ce débat intérieur, ainsi que ses propres écrits sur la peinture et la sculpture, nous forcent à réfléchir sur les relations entre l’art et la critique et entre la critique, l’art et l’écriture.