Luc Bondy : Toronto

 
par Daniel Lequette

Pour Luc Bondy, le moment où l’on perçoit le plus intensément le monde c’est celui d’après ce qui aurait pu être un instant de plénitude, si on l’avait perçu, celui du dessaisissement, un dessaisissement parfois ténu comme un chant d’oiseau matinal qu’on interrompt en ouvrant un rideau mais qui vous plonge en même temps dans le désarroi, la déréliction. C’est ce paradoxe que donne à éprouver ce recueil. Dans cet univers où le temps se rétrécit indéfiniment comme dans ce poème « Metropol » qui évoque les pertes de jour en jour, d’heure en heure, de minute en minute, de seconde en seconde, il n’existe aucune échappatoire même vers le ciel : les Icare en s’élevant au dessus des nuages ne se consument pas au feu du soleil mais se retrouvent prisonniers d’un monde gelé. Les textes brefs dépassant rarement la page, en vers courts martelés par des reprises et des allitérations essentielles, sans lyrisme, presque des notes pour un journal ou des nouvelles dessinent, dans les limbes d’une poésie infiniment mélancolique et rageuse, des scènes saisissantes qui résument en quelques mots une vie comme le poème éponyme « Toronto » évoquant un désamour où il ne reste plus comme lien entre un homme et la femme aimée qu’un chien auquel elle a donné son nom.




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Traduction de l’allemand par Daniel Loayza
Version revue par l’auteur
Édition bilingue
Christian Bourgois
144 p., 10,00 €
couverture