Tristan Hordé
Juan Gris (1887-1927) a peu écrit et seulement des réflexions sur la peinture, contrairement à des contemporains comme Max Ernst, Hans Arp ou Picasso dont l’œuvre littéraire est relativement importante. Ses Écrits portent en entier sur sa pratique de peintre et sur le cubisme. Ce qui ne varie pas de 1923 à 1927, dates de ses textes (une enquête est publiée en 1930 après sa mort), c’est la conviction que la peinture doit exprimer les « rapports du peintre avec le monde extérieur et que le tableau est l’association intime de ces rapports entre eux et la surface limitée qui les contient. » Pour ce faire, il procède différemment de ses prédécesseurs, allant du général au particulier : Cézanne d’une bouteille fait un cylindre, Juan Gris part d’un cylindre pour aboutir à une bouteille, ou de la couleur blanche pour qu’elle devienne un papier. Par cette méthode déductive, il ne s’agit pas de peindre un objet pour qu’il ressemble à l’objet observé, comme l’ont fait les impressionnistes, mais à l’objet dans sa « personnalité picturale » acquise au cours du temps. Cette pratique, qui fait du tableau une synthèse dans un « système d’esthétique résultant de l’époque », donne à Juan Gris une place particulière dans le mouvement cubiste.