Isabelle Cohen : Fleur de Gemme

 
par Lotfi Nia

Variations sur ce que nous faisons avec les prénoms, et sur ce que les prénoms font de nous. Beaucoup d’indices nous font penser que ce traité s’adresse à un public d’enfants – il s’agit d’une confidence de leur âge, la grosseur des caractères facilite la lecture, le tutoiement est d’usage, des jeux sont suggérés en dernière page pour bricoler soi-même son prénom et ceux des autres, on fait référence à un auteur jeunesse.

Proposer aux enfants une lecture qui ne soit pas un récit – l’idée est originale. Pourtant rien n’annonce franchement qu’il s’agit d’un livre jeunesse – ce qui le rend ambigu, hybride. Moi, adulte, ce livre m’a donné une impression étrange, celle d’être un livre hanté. D’emblée, il s’est dégagé quelque chose d’inquiétant et de diaphane de cette couverture : assemblage de perles très luisantes, de fils et broderies, sur un fond nuageux gris faisant penser au plastique marbré des tables de café. Choses d’une couturière, ses reliques (parmi les quatre images à l’intérieur du livre, on retrouve deux de ces reliquaires de couturière, et deux tableaux de prénoms dans le ciel). Plus inquiétant : tout porte à croire que celle qui écrit ces notes et observations est une enfant. La syntaxe, l’évocation des jeux de récréation, la poupée, Jean (le poupon). On dirait que c’est une petite fille, mais qui est petite depuis longtemps, peut-être trop longtemps. Elle aurait l’âge d’être une dame. À lire aux enfants le soir pour s’endormir. À moins qu’ils ne soient en âge de lire eux-mêmes…




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Images Évelyne Renault
Fidel Anthelme X
« La petite Motesta »
64 p., 10,00 €
couverture