par Alain Helissen
C’est avec « des mots empruntés » que Claudine Gaetzi écrit. Et ce titre : Rien qui se dise, extrait d’une page de son livre, résume en quelque sorte ce sentiment de vide présent tout au long d’un recueil décliné en une succession de textes courts. « Il ne faut plus jamais penser aux mots qui ont été épluchés, écaillés, désossés, blanchis, ébouillantés, frits, étuvés, mijotés, avalés », peut-on lire. Comment alors, dans l’enchaînement journalier de « répliques connues », de « lieux communs » du langage, de mots à peine dits que déjà dissolus, ne pas céder à l’illusion d’une langue inadéquate à exprimer le réel ? Comment, pour reprendre une phrase d’Anne-Lise Delacrétaz en quatrième de couverture, « coudre ensemble signe et référent » ? « Rien qui se dise » ne peut que creuser « plus loin et plus profond dans le vide » en essayant, chemin faisant, de « régler ses comptes avec la mort », tant celle-ci demeure la figure incontournable de toute tentative d’écriture. « Les frontières du langage n’ont rien de sûr », relève encore Claudine Gaetzi, qui marche malgré tout à leur rencontre, en prenant soin de « resserrer ses lignes de toutes ses forces afin de ne pas s’en échapper ».