par Jean-Pascal Dubost
Reprenant une métaphore de Jack Spicer, Anne Waldman déclare, en entrée du livre que « le poète est toujours on, jamais éteint ». Ambivalence de contenir et de dire, de contenir le flux du monde comme il passe à grande vitesse, et de dire ce monde, et donc, à l’instar du poste de radio, le poète archive le monde à un moment donné de son histoire ; l’archive est éphémère. Le poète considéré comme archiviste du monde est une idée plus qu’attractive et n’est pas sans rappeler, outre les poètes de la Beat Generation, auxquels Anne Waldman est associée, l’objectivisme façon Charles Reznikoff (Holocaust, Testimony). À la différence près qu’Anne Waldman, poète, ne s’efface pas derrière l’archive brute. La parole poétique doit être acte dans la pensée du monde. Il est probable que la poésie d’Anne Waldman soit hantée par ce rêve qu’elle dut subir : « Mon rêve le plus singulier fut apocalyptique : c’était une scène assez terrifiante, remplie de cadavres humains, d’animaux démembrés et éviscérés dont l’éparpillement évoquait une zone de guerre classique ou un abattoir brutal », rêve commun, mais fondateur très probablement, d’un esprit lucide mais contestant la fatalité.