Marcel Cohen : Le Grand paon-de-nuit, suivi de Murs, suivi de Métro

 
Par Mathilde Azzopardi

En quatrième de couverture du présent volume, qui rassemble trois titres épuisés de Marcel Cohen, se pose d’emblée la question du genre : les proses brèves de ces trois recueils, relatant avec concision, et peut-être une certaine sécheresse, de minuscules faits, ne s’apparenteraient-elles pas à de la poésie ? Comment qualifier l’excès de laconisme du Grand paon-de-nuit – certains textes ne comportant qu’une seule phrase –, les variations de Murs, qui relèvent tantôt de l’aphorisme, tantôt de la réminiscence d’un infime détail ? Que dire de Métro, qui, en une vingtaine de pages à peine, donne à lire quelques réflexions sur l’expérience des trajets quotidiens dans le métro parisien ? Ces recueils ont cela de singulier qu’ils offrent au lecteur une pleine liberté de circulation – on pourra commencer par la fin, ou bien le milieu, sans que le sens ne subisse la moindre inflexion. Car il ne s’agit, ici, en aucun cas, de raconter des histoires – on ne saurait davantage tourner le dos à la fiction –, mais véritablement de poser, par l’écriture, de petits ancrages, à l’instar de Georges Perec qui, avec chacun de ses textes, livrait des références, des points de départ, des sources, autant de preuves tangibles de son être au monde, vécu intrinsèquement comme illégitime. « N’être jamais là que par effraction » ; « le refus, ou l’impossibilité, de se reconnaître autrement que par inadvertance », lit-on dans Le Grand paon-de-nuit. Écrire relève ainsi, pour Cohen comme pour Perec, seuls rescapés, ou presque, de familles disparues en déportation, d’une absolue nécessité – être tenu d’écrire sous peine de dissolution – et procède toujours par anamnèses – l’essentiel demeurant insaisissable, tenter, dans l’absence majuscule, de faire survivre quelque chose de ce qui a été. Au-delà de toute notion de genre, les ouvrages de Marcel Cohen invitent à une expérience singulière : accepter la proposition selon laquelle il ne peut y avoir de véritable sens que dans l’accumulation des faits.




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Gallimard
240 p., 14,90 €

couverture