Par Patrice Corbin
La première interrogation pourrait être celle-ci : qu’est-ce qu’un fait divers, de quelle subjectivité s’agit-il, renvoyant le qui au quoi ? L’inconscient collectif est convoqué par le jugement soutenu par la parole moralisante, une rupture presque organique s’opère avec ce qu’il est convenu d’identifier comme étant le tissu social et sa capacité vertueuse à se fondre dans l’organisation non moins sociale. Le fait divers interpelle une tolérance dont le substrat est la justice des hommes, il est le réceptacle d’une monstruosité qui précipite le spectateur dans les tréfonds de sa propre nuit de larmes et de cris. C’est cette co-incidence du fait divers que les surréalistes questionnent par-delà le moralisme. Que disent les sœurs Papin exacerbées de leur crime ? « C’est leur détresse qu’elles détestent dans le couple qu’elles entraînent dans un atroce quadrille. »1 La psychanalyse prend toute sa dimension dans le constat du conflit entre un qui sujet et un quoi générique. Le fait divers ne se limite pas à une intentionnalité, qu’il s’agisse de Vaché2 et son suicide ou le parricide perpétré par Violette Nozière3, l’acte est cette pluralité convulsive qu’il faut examiner aux marges d’un autre réel.
Textes réunis et présentés par Masao Suzuki
Les nouvelles éditions Jean-Michel Place
192 p., 16,00 €
1. Paru dans Le Minotaure, n° 3 / 4 – 1933-34, avec la mention : « Au docteur Georges Dumas, en respectueuse amitié », puis, dans Obliques, 1972, n° 2, p. 100-103. Sera repris à la suite de la thèse : De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité, Seuil, « Le champ freudien », 1975, p. 25-28. Voir aussi le remarquable documentaire En quête des sœurs Papin de Claude Ventura & Pascale Thirode, 2001.
2. André Breton, « La Confession dédaigneuse » in Les Pas perdus, 1924, Gallimard.
3. Les surréalistes prirent la défense de Violette Nozière dans un ouvrage collectif, Violette Nozière, publié en décembre 1933 avec notamment des poèmes et dessins d’André Breton, René Char, Paul Eluard, Salvador Dali, Max Ernst, René Magritte. Les « anarchistes » comme les « surréalistes » trouvent dans cette affaire l’occasion de fustiger cette société bourgeoise qui vit dans le conformisme et l’étroitesse d’esprit. Violette incarne la révolte : pour eux, elle est une victime.