Philippe Jaccottet : Œuvres

 
Par Isabelle Baladine Howald

« L’effacement soit ma façon de resplendir »

José-Flore Tappy, poète, traductrice, est la responsable de ce « Pléiade » Philippe Jaccottet. La force, la rigueur de cette édition, la subtilité de son appareil critique (remarquable équipe autour de J.-F. Tappy) portent cette poésie de l’inquiétude et du vacillement. Édition pleine de vie, de mouvement : peut-être est-ce dû au travail sur les archives d’un poète vivant, qui a laissé toute liberté aux chercheurs. Sont réunis ici les recueils de poèmes, les proses, les Carnets, les Observations et même un « roman de formation », inédit.
La poésie de Philippe Jaccottet trouve au fur et à mesure une allure, liée à la nature et à la promenade, plus proche du pas de Handke que de celui de Rousseau : ni psychologie ni étude du moi mais observation de la nature et du monde. Il cherche à « nouer l’éparpillement », ne perdant jamais le souci de la justesse, hanté par la figure de l’effrayé puis celle de l’ignorant.
Dans le rythme trouvé entre prose et poésie, il trouve un langage « très loin, à peine perceptible, un miroitement », qui illustre l’énigme du monde, « l’incompréhensible ». À l’origine de sa poésie, un héritage : les lectures de Ramuz, Roud, Hölderlin, Novalis, Rilke, Leopardi, Ungaretti, (Jaccottet est aussi grand traducteur). Ce germanophile va vers la Grèce et sa lumière sans jamais cesser de lire Hölderlin. Jaccottet est également très grand lecteur de ses contemporains, du Bouchet, Des Forêts, Dupin, Bonnefoy...
Une mélancolie habite les derniers recueils, au lyrisme totalement retenu, de plus en plus ouvert sur la nature. La pudeur infinie de ce poète (aucune allusion à la vie privée, hormis la date de son mariage) n’a d’égal que sa fragilité devant le monde, portée au plus ténu et bouleversante. L’anti René Char. Tout son travail, toute sa vie n’ont que ce but, donner à écouter « Pas seulement la pluie mais une voix parlant de la pluie : peut-être qu’en fin de compte, on pourrait se contenter de presque rien sur fond de rien ? »




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Gallimard
« Bibliothèque de la Pléiade »
1626 p., 66,50 €

couverture