Gertrud Kolmar : Quand je l’aurai tout bu

 
Par Isabelle Baladine Howald

Flamme et vacillante

Gertrud Kolmar est morte à Auschwitz en 1943. Juive assimilée, elle n’a jamais voulu quitter l’Allemagne, ni son père. Plus jeune elle subit un avortement forcé, cet enfant non né hantera toute son œuvre. Par ses poèmes, elle parvient à hisser la langue allemande hors du saccage nazi, très différemment de Nelly Sachs, Else Lasker-Schüler, Rose Ausländer ou Paul Celan.

En rimes ou en vers libres, le livre est composé de deux recueils Portait de femme et Rêves de bêtes. Dans le premier tous les poèmes comportent des titres féminins (sauf un) : à la fois seule et « partie du monde », « piétinée avec des fleurs », elle s’observe. Sa « langue fut ligotée » mais elle la délivre pour évoquer la présence, obsédante, de l’enfant : « mon obscur t’appelle à moi »… Dans Rêves de bêtes aux accents parfois trakléens, le rapport aux animaux est onirique, mais ces créatures porteuses de crinières, d’ailes ou de griffes sont comme l’image d’une autre angoisse, plus intérieure, celle d’une vie contrainte, « rien enchaîné » à tous niveaux, que seule la poésie entrouvre.

Héritière d’un certain romantisme tout autant que prise pour le pire dans son siècle, Gertrud Kolmar porte un univers sombre et puissant que les remarquables éditions Circé vont continuer à publier.




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Poésies 1927-1932
Traduit de l’allemand par Fernand Cambon
Circé
315 p., 21,40 €

couverture