Par Agnès Baillieu
Le quatrain bien connu d’avril 1935 fournira un exemple utile de la réussite du traducteur. Le poème avance comme relancé par les jeux sur les sonorités : … Varoniesh / ouronish… provoronish / … vyronish… verniosh / Varoniesh blash Varoniesh voron nosh. On comprend les choix phonétiques et sémantiques d’Henri Deluy : le français transcrit la graphie « Voronej » (en russe la prononciation des finales –sh recouvre une graphie –j) … qui appelle « neige ». Ses traductions, non rimées, sont notre présent, celui du poète, et les poèmes choisis sont tout le destin de Mandelstam, déporté à Voronej en 1934, mort quelques mois après une seconde condamnation en 1938. Les Cahiers sont-ils un document sur les années 1935-1937 ? Sur l’horreur, l’enfermement ? Selon Henri Deluy, « Les interprétations se multiplient… Le poème, tout compte fait, en profite. [Il] n’a besoin ni de flou, ni d’obscurité, sur les conditions de son écriture… » Le traducteur rappelle les composantes du mouvement acméiste, les caractéristiques de la langue russe, et la richesse exceptionnelle de la poésie de Mandelstam : musicalité, jeux sur les sonorités, la polysémie, les étymologies… Étrangers à l’à-peu-près, ces poèmes sont « de l’intimité qui prend forme… Les poèmes, la mémoire du malheur, et la mort. Au mot à mot. »1
1. la lecture est parfois gênée par quelques coquilles.