Par Michel Ménaché
Célébration amoureuse en quatre mouvements, de la fusion des corps à la séparation, le dernier recueil de Patricia Cottron-Daubigné1 tresse des variations sur le visage de l’homme aimé, perçu comme un paysage et une icône de l’accomplissement de tous les sens, écho d’un rêve entrevu dès l’enfance. L’idéalisation onirique se conjugue à un érotisme sans tabou, entre don de soi et abandon, entre perte et révélation du moi dans la fièvre des corps : « Si un visage est une ardeur / il ouvre le jour / et le monde / et la perte […] je est un mot nouveau. // J’ai placé mon visage / dans votre voix / depuis je vis dedans / je vis / je ne regarde plus les miroirs. » L’auteur fait référence au roman de Marguerite Duras Le Vice-Consul et à India song : « l’épaule nue d’Anne-Marie Stretter / et vous dans la sensation de l’épaule / nue / j’ai tout oublié / hors le cri sous ma peau / le même / vous souvenez-vous ». Le pouvoir de la poésie opère : « Un homme dans l’espace d’elle / elle pose la main sur son visage / même dans l’absence… » Images d’un lyrisme aride, ruptures pronominales de elle à je, les mots ne sont plus que « des copeaux de larmes… » Dans le quatrième mouvement, « L’écho du silence », l’auteur passe des vers libres à des proses abruptes : « elle est là, une béance, posée comme une étrangère. » Enfin, dans la dernière séquence, « L’Homme, je commencerai par le pull », le dos de l’amant s’impose comme métaphore de l’absence : « l’homme qui viendra / s’il partait / j’aurai tant regardé son dos / que je n’aurai plus d’image… »
Chambre d’écho d’une poésie intime vrillée au corps…
1. Prix de la Voix des lecteurs en Poitou-Charentes 2012 pour Croquis-démolition (La Différence, 2011).