Par Michel Ménaché
Du télescopage des mots cosmopolites, du ressac des eaux et des hommes, Benedetto fait surgir Marseille & Méditerranée, son chant de célébration de la cité phocéenne. Au carrefour maritime des langues et des cultures du monde, il convoque Rimbaud et Nizan, Homère et Artaud, Maria Callas et Oum Kalsoum : « écoute en moi crier les civilisations / qui ne peuvent si profondément imbriquées / qu’elles sont depuis si loin et depuis si longtemps qu’elles ne peuvent / s’extraire s’arracher se démêler qui tournent / et se retournent en sueurs haletantes / des bêtes gigantesques énormes sont aux prises / écoute-les qui me beuglent le corps écoute écoute- / moi je suis un instrument ». Le poète rassemble la houle et la foule, associe les mythes antiques et les musiques des tropiques, évoque la violence des trafics et des tragédies du Vieux Port, attise le feu et la fureur du verbe…
Des troubadours aux félibres, des camisards aux maquisards, le poète de Memento occitan1 déploie sa géographie élective, dépecée par les promoteurs : « L’occitanie dans sa robe de sel et d’ocre / Et de terres abandonnées au plus offrant. » Le poète réveille la tradition du trobar clus et la mémoire des révoltes populaires occitanes pour mêler des noms rarement associés, tels Mistral et Jaurès ! Le souffle épique fait sonner le français et l’occitan avec la même ferveur. Si la langue pétrie d’Histoire de Benedetto renoue avec les grandes épopées populaires, ce n’est plus le héros singulier qui règne au cœur du chant mais la conscience collective à voix multiples. Renouveau d’un lyrisme révolutionnaire occitan à l’opposé du registre pittoresque et refusant tout enfermement régionaliste…
1. Texte dit pour la première fois à la Fête de l’Humanité, le 13 septembre 1980, avec le concours de la Cie Lubat en Jazz.