Par Antoine Emaz
Livre d’une expérience, celle d’être passé sous la ligne de flottaison d’être. Et les poèmes brefs en vers courts, sorte de bout de souffle entre ellipse et ressassement, témoignent d’une sorte de limite atteinte dans la résistance psychique. Le corps est piégé : « sortir on ne sait pas faire ». Et demeure seulement l’instinct de se débattre : « vivre même pour un peu rien tant / / qu’il en reste ». La force du livre naît de la tension entre l’économie des moyens, la maîtrise de cette parole déroutée mais pas folle, et la violence de l’expérience traversée. Poésie de rescapé, de survivant de soi, comme lorsque la nuit est noire et blanche. Écrire, ce peut être aussi tenir au bord, avec peu de mots « pour habiter moins cette / bouche pas bouche ». On ne revient pas indemne de ce lointain intérieur où il n’y a plus de place pour la plainte, seulement de la souffrance brute, sans emphase, seule.