par Claude Chambard
Jacques Roman est de ces poètes rares dont chaque livre est un événement. Celui-ci est bouleversant dès son ouverture dans sa façon de ne jamais démêler le corps de l’écriture, le geste de faucher de celui d’écrire. En prétexte de « Charade », dernière partie de ce livre élégant, on trouve cette citation du poète italien Eduardo Galeano, « Pourquoi écrit-on, sinon pour rassembler ses morceaux. » Rien de plus évident et pourtant c’est en remettant sur le métier qu’on peut – juste – espérer approcher de cette évidence. Si, d’hasard on oublie que Jacques Roman est aussi comédien, d’emblée, la subtile scansion des lignes le rappellera à quiconque a un peu d’œil donc d’oreille. Je suppose que Jacques Roman les a dit sur la minuscule scène de son Espace Éclair lausannois, je suppose qu’ils ont pris voix & corps du poète en chair et en os. Ici encre & papier – en s’aidant de la voix si possible, ce livre n’incite pas à rester coi – font néanmoins résonner les mots comme boulets de charbons dévalant le soupirail, comme ossements jetés à la fosse, comme marrons éclatant sur le toit, c’est dire si ça claque, ça craque, ça excite les sens et l’envie de poursuivre la ligne jusqu’à la tirer à soi pour n’en faire qu’une, sans fin. C’est la première beauté de ce livre. Ensuite, ce que – ce qui – lance la voix, ici, heurte & bouscule, est sans concession ni repentir mais avec une attention de chaque instant pour dans ses aspirations / expirations ne pas laisser entrer « le souffle de la mort » mais, tout de même, « pour se familiariser avec la mort » dans les pas de Sade, de Bataille & de Bernard Noël, avant la grande culbute au bout, tout au bout du champ.