Pierre Alferi : Brefs

 
par Hervé Laurent

Brefs, sous-titré, discours, recueille, sur une période allant de 1991 à aujourd’hui, dans un ordre qui n’est pas vraiment chronologique, des textes pour la plupart destinés à être dits en public, d’où leur (relative) brièveté. Alferi, lecteur ou spectateur, réfléchit, à partir d’œuvres singulières, sur la littérature et la poésie, mais également sur le cinéma, le dessin, toutes disciplines qu’il pratique par ailleurs avec plus ou moins de régularité. Chaque fois, ce qui l’intéresse, c’est le faire1. Il n’en résulte pas pour autant une vue technicienne du travail poétique mais la volonté de décrire à travers des protocoles singuliers comment la recherche formelle, loin de produire un formalisme clos sur lui-même ne cesse de travailler le fond par déplacement, détournement, déviation ou écart, distorsion, etc. Alferi avoue qu’il est plus dans la mise en œuvre que dans la réflexion. Ces brefs théoriques sont toujours des réponses à des sollicitations, qu’il saisit comme autant d’occasions de faire le point avant de retourner à l’ouvrage, rien de plus. On aimerait qu’il soit plus souvent invité à pratiquer cet exercice tant est pénétrant le regard qu’il porte sur chacun des objets de son étude ; son panorama de la poésie au début des années 90, par exemple, offre une synthèse qui n’a pas pris une ride, de la diversité des voies empruntées par l’écriture poétique. Bien que circonstanciels, on retrouve, dans chacun de ces courts textes, la rigueur de l’auteur de Chercher une phrase2. Et sa volonté d’envisager la théorie comme un terreau fertile pour tous ceux et toutes celles qui pratiquent. En bref, ce qui trame tous les textes de ce recueil c’est la volonté de réintroduire du concept là où prospère l’ordinaire du cliché3.

Aussi bien ce qui est visé, à chaque fois, c’est cette intransigeance du désir qui exige de ne pas s’en tenir au statu quo et qui pousse à inventer de nouvelles donnes pour que le jeu, à nouveau, vaille la peine qu’on le relance.




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P.O.L
256 p., 17,00 €
couverture

1. Déjà, dans la préface au numéro un de la Revue de littérature générale, et la postface du deuxième et ultime numéro, toutes deux co-signées avec Olivier Cadiot, ce souci de la fabrique s’affirmait comme principe de la recherche – cf. Revue de littérature générale 95/1 : « La mécanique lyrique » et 96/2 : « Digest », P.O.L.

2. Chercher une phrase, Christian Bourgois « Détroits », 1991, repris dans la collection « Titres », n° 42.

3. Brefs, p. 88