Rémi Froger : Planches

 
par Jean-Jacques Bretou

Il y aurait des pages qui seraient des images, de « jeunes phrases cachées dans l’eau », et des pas de vis qui seraient des phrases possibles. En sept fois dix dizains d’une beauté singulière, « étrangeté par juxtaposition », Rémi Froger questionne l’écriture et nous dessine tout en tension, de manière floue, tremblotée ce qui pourrait être la vie ou une tranche de vie d’un je, d’un tu ou d’un il quelconque. Ces planches sont-elles bien réelles, débitées, sciées, vissées, assemblées en baraques, armoires, tables, albums, chariots, murs, planchers, coffrages, radeaux d’une vie qui va à la dérive ? « Le monde n’est pas avec nous ». « La page ou image est déchirée ». Ou bien, puisqu’on y parle souvent de photos, d’agrandissements, ne pourraient-elles être le décor d’un vieux film aux images saccadées où « les mots distancent l’image dans la phrase ». Alors, des trains, (« les trains de Shakespeare ») et des camions transportant des matériaux, de fruits et de légumes traverseraient le panorama. On verrait des outils dans les champs, des charrues. L’herbe laisserait apparaître la roche ; schiste, feldspath. Des tâches bleues, jaunes auraient marqué la pellicule. Froger habite son long poème : « Je suis un autre paragraphe ou bien cet homme, un train, ou rien ». Il met tout son corps pour l’écrire : « Les mots ne sont pas encore jusqu’aux muscles. La ligne écrase l’épaule. / L’épaule demande le vocabulaire. » « des signes insistent »




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P.O.L
96 p., 14,00 €
couverture