par Stéphane Nowak
Le livre de Jean-François Bory est composé de cinq poèmes en vers et calligrammes variant les polices de caractères.
« Un hiver près des ptyx » est un poème en vers faisant se succéder deux scènes principales : un passage au milieu des figures spectrales de l’avant-garde et une recherche avec Alice autour du mot ptyx. Dans un premier temps, l’auteur contemple les figures de l’avant-garde défiler : Tzara, Cocteau, Poulenc, Breton... Un spectacle inspirant des sentiments mêlés : l’héritage, la reconnaissance (« l’avant-garde a tout inventé », p. 9) mais aussi la lassitude, le refus de toute fascination : « je m’ennuie avec ces gens ». Nul salut : la chute, la perte restent à l’horizon : « C’est gâché » (p. 10), en écho à la phrase de Bataille en quatrième de couverture « à écrire on s’expose directement à l’excès ». L’écriture porte en elle sa perte, son gaspillage. « LE LIVRE / SEMBLERA / GACHIS » écrivait déjà Jean-François Bory dans Bientôt le livre en 1966, son livre fondateur. Le basculement du texte vers une autre scène – la rencontre d’Alice – porte sur l’énigme du mot ptyx, hapax créé par Mallarmé pour combler le manque du mot rimant en x. Mot sans référent identifiable permettant au poème de se replier sur lui même comme pure matérialité sonore et graphique non assujetti à la représentation de la réalité.
Le second poème, « Emportez-moi » réécrit le poème de Michaux en le dépersonnalisant, le désubjectivant puisque l’auteur est réduit ici à une créature de fiction.
« L’écriture soumet » est une réécriture du Coup de dés, l’écriture devenant affaire d’effacement des clichés et des codes puisque la toile et la page « [sont déjà / [couvertes / [et recouvertes » (p. 39). Il ne s’agit pas tant d’inventer du nouveau formel (geste moderne) même s’il est revendiqué pour « une nouvelle syntaxe » (p. 40) que d’effacer, rejouer, remédiatiser autrement le geste par une reconfiguration de la page.
« Un grand geste d’encre » met en acte la tâche à l’horizon du vers. Dont acte.
88 p., 15,00 €