par Agnès Baillieu
Les deux œuvres datent de 1893 et 1905, et Mark Twain feint d’avoir déchiffré, non sans mal, les hiéroglyphes d’Adam. Pas de couleur locale, mais de l’humour, que rend bien la traduction. On lit rapidement, c’est assez réjouissant, le Journal d’Adam surtout, qu’on connaisse bien la Genèse ou non (l’enjeu est ailleurs). « Lundi. La nouvelle créature, avec ses longs cheveux, est toujours fourrée dans mes pattes… Je n’ai pas l’habitude d’avoir de la compagnie… Je pense que nous allons avoir de la pluie… Nous ?... Où est-ce que j’ai bien pu dénicher ce mot ? … Je me souviens maintenant – c’est la nouvelle créature qui l’emploie. » C’est qu’Ève est prise d’une frénésie de dénomination. Autre lundi : « La nouvelle créature m’annonce qu’elle répond au nom d’Ève… C’est un grand et beau mot, qui supportera aisément la répétition. Ça me dit aussi que ce n’est pas une chose ni un ça, mais une Elle… Si seulement elle voulait bien me lâcher… et ne pas causer. » Dix années plus tard : « Au départ, j’ai pensé qu’elle parlait trop ; mais aujourd’hui, je serais le plus triste des hommes si cette voix devenait silencieuse… » Le monde est neuf et beau, Adam et Ève le nomment, aux origines du langage.