par Hervé Laurent
Oliver Brossard a de la suite dans les idées et une maison d’édition qui joue le jeu, ce qui lui permet, après John Ashbery, Joe Brainard, Frank O’Hara et Ron Padgett, tous publiés dans la précieuse « collection américaine » qu’il dirige, de proposer une large sélection de poèmes de James Schuyler dans une traduction de Stéphane Bouquet, qu’il accompagne d’une éclairante et empathique postface. Associé à l’École de New York, James Schuyler pratique une écriture poétique proche de l’autobiographie. Si c’est de façon toute rhétorique qu’il feint de douter du fait qu’il est toujours temps d’écrire un poème1, beaucoup des siens, comme extraits d’un journal intime, ont pour titre une date. Rares cependant sont les faits qu’ils relatent, le poète se concentrant sur les moments de vide, les phases d’attente, les instants suspendus dans le cours d’une vie dont nous est révélée la partie contemplative plutôt que le déroulé des événements qui la constituent. Aussi, lorsqu’il affirme bien sûr qu’on est toujours aujourd’hui2 faut-il comprendre que l’écriture du poème répond à la nécessité de rendre accessible à d’autres la fragile et indépassable singularité de cette actualité qui a habité sa conscience et nourrit son sentiment d’exister.
1. Peut-être, p. 155.
2. Trier, emballer, ranger, fourrer, p. 25.