par Patrice Corbin
Comment sauver le commun du communisme, que faire de l’aventure communiste ? Érik Bordeleau en pose les termes. Termes d’une séquence qui s’est achevée avec la fin du bloc de l’Est, clôture de l’expérience du « socialisme réel ». Alain Badiou, évoquant la chute de l’URSS, parle d’un désastre obscur, de la disparition d’un « nous » qui « est entré dans son crépuscule bien avant “la mort du communisme” »1. Alors, quel est donc ce commun dont Bordeleau inventorie les compossibles dans l’espace schizophrénique que le capitalisme, notamment dans sa version libérale, déploie pour asservir et séparer. Quelle faisabilité du lien persiste dans l’abîme d’un obscur sans lieu, là où la multitude s’enfonce et se met en quête d’un peuple à venir. « Nous sommes ici, de toute évidence, au plus loin du vide soustractif et impérieux de la tabula rasa révolutionnaire. » Nous sommes, In girum imus nocte et consumimur igni2, à la recherche d’un désert, d’un possible politique débarrassé des idéologies momifiées. « Avoir une âme, c’est être aux prises avec le problème d’habiter son présent. » Bordeleau explore dans sa subjectivité un commun qui lie / dé-lie l’émergence du sujet. Ce livre est précieux pour ceux qui ne renoncent pas.
1. D’un désastre obsur, Alain Badiou, Éditions de l’Aube, 2012.
2. In girum imus nocte et consumimur igni suivi de Ordures et décombres, Guy Debord, Gallimard, 1999.