Par Sébastien Hoët
Ce sont deux beaux livres de Jean-Louis Giovannoni qui paraissent simultanément, dans des formes différentes en apparence : chez Unes un recueil de notations, chez Champ Vallon un récit par bribes tiré de douze voyages de retour au pays natal, après la mort de la mère. Deux livres écrits il y a une trentaine d’années (même si Voyages s’achève avec des notes prises en 2012), écrits mais pas comme des livres justement, plutôt comme des recueils de notes impressionnistes, dont l’un exprime la volonté de retrouvailles avec l’enfance, avec les lieux et les personnes jadis fréquentés, retrouvailles toujours avortées (« Impossible de reconstituer ces lieux. Manque toujours quelque chose » in Voyages p. 26), dont l’autre livre exprime la difficulté essentielle d’exister, et notamment d’exister avec soi et avec les autres, de porter un visage, d’émerger après le sommeil profond et ses rêves. On prend le bus en compagnie de Giovannoni avec un plaisir teinté de mélancolie et même de tristesse pour se rendre à Saint-Maur, on va avec lui près des pêcheurs, on marche à tâtons vers l’épicerie où travaillait autrefois une jeune personne qui nous émouvait, on se faufile dans la cabane d’un jardin qui n’est plus le nôtre... Dans Les Mots..., cette force qui veut retrouver, revivre, s’est comme tarie, c’est « une force bestiale » (p. 23) qui nous fait sortir du sommeil, qui nous ranime, pas notre force propre. Dans ce corps bouilli, blanchâtre, étranger, nous errons parmi les autres, essayant parfois d’entrer en contact avec eux mais sans succès, usant visage après visage, mot après mot, n’entendant pas le murmure des objets. « Tout ce silence – pour que tu cries ! », ces derniers mots disent bien l’ambiance asphyxiée de ce livre laconique et poignant.
Les Mots sont des vêtements endormis
Éditions Unes
80 p., 14,00 €
Voyages à Saint-Maur
Champ Vallon
104 p., 12,50 €