Philippe Jaffeux : Écrit parlé

 
par Christophe Stolowicki

À la règle d’or de l’interview de poésie contemporaine de ne pas titiller l’auteur fût-ce en appel du genou – on ne s’entretue pas dans une ambulance – Béatrice Machet déroge peu et bien et Jaffeux par la grâce de leur échange se découvre en son for extérieur à son arachnéenne main. Jaffeux, ou l’hyperesthésie de la raison. Ou comment à l’âge de croisière de l’ordinateur est né un classique français du je haïssable ou surinvesti dont les émules se numérisent sur les doigts d’un poulpe. En filiation de Pascal, La Rochefoucauld, Lautréamont, au clavier d’un logiciel de synonymes et d’antonymes, « mes textes procèdent de l’immanence des choses, dit-il, de mon effacement et non pas de l’emprise d’un pronom personnel inopportun. » Suspension, flottement inlassables, conclusions dérobées – âme de Jaffeux non de son logiciel. Écrit parlé ici, phanopée de la lettre, de parole visuelle rarement sonore, abondant tout en rétractations à notre civilisation de l’écran, par la vertu d’un questionnement crève l’écran. La langue, la pensée dégravées, décruées comme un tissu que ronge grand teint en filigrane de toi et moi une implacable maladie1, jaillissent armées de pied en cap du crâne du dieu machine. Malgré tous ses prosélytes on reconnaît du Jaffeux dès les premières notes.




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(Entretien avec Béatrice Machet)
Passage d’encres
« Trait court »
40 p., 5,00 €
couverture

1. L’écrivain qui se déplace dans un fauteuil élévateur compose au dictaphone.