Max de Carvalho : Consécration du désastre ou Le triomphe du Brésil

 
par Grégoire Sourice

7-1. C’est le score d’une défaite historique, celle de la seleçao brésilienne contre l’équipe d’Allemagne, lors de la dernière coupe du monde de football, organisée au Brésil. Et c’est le sujet de l’ouvrage de Max de Carvalho, second volet d’une Épinicie pour le pays des palmeraies, paru l’an dernier et sous-titré La Poésie du football brésilien.

D’abord, une Ouverture : la célébration du traditionnel « jogo bonito », où les corps des sportifs s’apparentent à ceux de danseurs, où l’exécution des passes, dribbles et autres gestes semblent l’expression d’un mouvement plus universel que celui qui conduit à l’en-but. « Football-art » qui sera, tout au long de ce livre, le contre-point de la calamiteuse performance de l’équipe de 2014.
Suivent différentes rhapsodies. Dans un premier temps par la bouche du Baron de Drummond, entrepreneur carioca et éclairé du XIXe siècle, puis par les âmes de quelques figures tutélaires de la poésie brésilienne ressuscités pour évoquer le désastre : Carlos Drummond de Andrade, Joao Cabral de Melo Neto ou encore Vinicius de Moraes.
Enfin, Les inscriptions pour la fin, recueil de notes que l’on consulte au fil de la lecture et où le commentaire et l’anecdote donnent à l’érudition sa forme la plus agréable.

Pastichant ses prédécesseurs, Max de Carvalho traite avec humour et ironie d’un désastre qui signifie bien davantage qu’une défaite sportive. Car sur la pelouse de cet « infâme cratère high tech / homologué stade aux normes », vingt-trois hommes et un sélectionneur se sont humiliés devant des centaines de millions de (télé)spectateurs. À travers la démesure de cette défaite, d’une part, ce sont les conséquences d’une mondialisation desséchante et allergique au risque qui se sont matérialisées, puisque tout ce qui constitue le folklore du football brésilien (la musique dans les gradins, les prédictions irrationnelles, l’origine sociale variée des spectateurs dans les tribunes) a été exclu du stade. D’autre part, en livrant une prestation tellement en deçà des attentes qu’elle avait suscitées, l’équipe a « montré à quel point l’âme brésilienne est tendre vulnérable », et comment des héros-limite peuvent transformer un match de football en un événement qui n’a pas « l’ultime pour limite » (Blanchot), ou comment faire d’une déroute sportive l’exemple d’un désastre contemporain.




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Chandeigne
104 p., 11,00 €
couverture