Habiba Djahnine : Fragments de la maison

 
par Sarah Kéryna

Plus connue en Algérie comme réalisatrice de documentaires, (elle est aussi formatrice en cinéma) Habiba Djahnine s’empare, pour son deuxième livre (écrit directement en français), de la question du deuil, dans sa dimension personnelle et collective. Marquée par la violence des années dites de sang (la décennie noire, où elle perdra sa sœur et de nombreux amis, artistes, intellectuels), elle en interroge les stigmates et le possible retour à la vie. « Nous avons si bien appris le chemin des cimetières / que rien ne semble interrompre la procession ». L’amour, sorte de pierre angulaire, inaugure le recueil avec la possibilité d’un retournement de la tragédie. (« Comment aimer après n’avoir appris qu’à mourir ».) Élans charnels, évocations de paysages, éléments saisis dans leur permanence, sont autant de conjurations, et forment les jalons d’un futur possible, toujours incertain et fragile, que la parole remet en mouvement. Les phrases, tantôt amples et lyriques, tantôt âpres et scandées alternent le « elle » et le « je », des tableaux contemplatifs chargés d’une mémoire en creux, avec des moments d’interrogation, répétitifs, incantatoires et brûlants qui agitent le présent. À l’intérieur de ce territoire, grave, profond, peu exploré en littérature, l’écriture cherche à dire, à énoncer l’indicible, bute parfois, mais s’avère salutaire. « Le seul langage possible ».




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Bruno Doucey
64 p., 12,00 €
couverture