par Alexandra Seha
Annalogue, analogue, Anna O.
L’analogie est autant au sein des deux livres Annalogue des fleurs et Annalogue des oranges que dans les associations d’idées que le personnage principal Anna O. tient. Anna O. est le pseudonyme utilisé dans les Études sur l’hystérie de Freud et Breuer (1895). Son vrai nom serait Bertha Pappenheim, atteinte d’hystérie. Elle était soignée par le Dr Joseph Breuer avec des techniques telles que la cure par la parole et le ramonage : hypnotisée, elle se déversait de toutes les idées qui lui venaient en tête, liées uniquement par des analogies qu’elle faisait d’elle-même.
Chez Uljana Wolf les « annalogies » reprennent la vie d’Anna O., entièrement décousue, poétiquement instable et confuse. Mais cette confusion attise un plurilinguisme que Pascal Poyet a su exploiter très justement. Ce mélange d’allemand, de français et d’anglais offre une prose dense et juteuse comme une orange. L’écriture adoptée par Uljana Wolf déroute parce qu’elle oscille entre moments de lucidité, d’évidence et moments de perte, d’oubli et de folie, le tout cimenté par les analogies parfois très concrètes et parfois très abstraites du personnage « je » dans lequel nous rentrons assez rapidement. Pourtant Anna O. n’a jamais semblé aussi vivante et entièrement elle que sous la plume de l’auteur. Sa folie offre une poésie très assurée, bien placée et particulièrement douce. Annalogue est la folie d’un nouveau monde, peut-être trop lucide et trop lié.
Si Anna O. a permis la naissance de la psychanalyse, elle n’est toujours pas fanée et heureusement.