par Jean-Jacques Bretou
Le héros de Sous vide vient de passer le cap des trente ans. Fils unique d’un salaud de père et d’une folle de mère, il se retrouve pour la première fois de sa vie, seul, face à lui-même, à l’amour, au quotidien, au travail, à l’existence. Alors, sans le soutien ni l’éducation qu’auraient pu lui apporter ses géniteurs, avec le lourd passé qu’ils lui ont laissé en héritage, comment va-t-il vivre ? « Tenir debout », d’autant qu’il se sent aussi solide, aussi construit qu’une sorte de poche, de sac contenant, mêlés, os et viscères. Les questions fondamentales ne manquent pas, questions existentielles ou questions ontologiques ! Il y répond comme il peut, en restant replié sur lui-même, dans le logement exigu où il demeure en se tenant à carreau, reclus. Rien n’est plus protecteur que l’enveloppe matricielle des murs qui reproduisent l’habitacle utérin. Une sorte de fourre-tout tiède et rassurant dans lequel il place les choses comme elles viennent. Il y vit avec défiance coupé d’un « extérieur » agressif. Ce chaud « logement » : il y travaille, il y découvre les choses de l’amour quand les lointains souvenirs de ses procréateurs aux prises avec la passion des sens émergent. Comment peut-il se comporter sinon « en singeant », ceux, si peu nombreux, si rares qui viennent lui rendre visite. Pour le travail, il y a l’ordinateur, outil assez pratique pour faire des copiés-collés et obtenir en définitive des articles « très » lisibles qu’il confie à son patron : Blanc. Il fait ce qu’il peut, il imite. Le plus dur en fait, c’est « cette saloperie », l’amour. Comment emboîter les corps, échanger les fluides, faire glisser les muqueuses de telle façon que « ça » fonctionne mieux « qu’une machine à coudre », tout ça, en tentant de faire parler les cœurs. Et vient le jour où notre « héros », quoiqu’il ne sache pas vraiment bien ce que signifie le mot amour, n’ayant eu pour exemple que son salaud de père et sa folle de mère, s’enamoure d’une prénommée Claire. Seulement Claire est bipolaire. À l’extase, à la folle passion succèdent des périodes de profonde dépression. L’écriture de Patrick Varetz, la vertigineuse histoire de son héros passionne et nous repousse jusque dans les replis de notre propre folie. À lire absolument.
216 p., 15,00 €