Maxime Decout : Qui a peur de l’imitation ?

 
par Jean-Jacques Bretou

L’« imitation » est un sujet qui a fait le bonheur ou le malheur de générations d’écrivains et d’étudiants en lettres. Il a donné lieu, par ailleurs, à toute une littérature. On se souvient, pour ne citer que les plus connus, du À la manière de… de Paul Reboux et Charles Muller, et du plus sérieux et remarquable Palimpsestes de Gérard Genette qui a peut-être donné du fil à retordre à quelques khâgneux. On pourrait enfin citer le livre du psychanalyste Pierre Bayard, Le Plagiat par anticipation paru aussi aux éditions de Minuit. Voilà un bagage qui devrait nous aider à y voir plus clair sur la contribution de Maxime Decout. De Démosthène à Ignace de Loyola on sait que l’on a chapardé d’un côté et de l’autre, de même de Rabelais à Chateaubriand sans oublier Shakespeare. On a beaucoup pris à Flaubert. Et Stendhal pour tenter d’écrire de la manière la plus pure possible n’hésitait pas à plonger le nez dans le code civil avant de prendre la plume pour composer La Chartreuse, « il faut se posséder pour bien parler », disait-il. Rousseau commence les Confessions par « Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur » ; il imitera et sera imité. Nos contemporains, enfin de Sartre, qui imita Rousseau, à Modiano, en passant par les Oulipiens (« Ah Moby Dick ! Ah Maudit Bic ! »), on pique ! Magnifiquement ! Mais comme disait Gide « l’artiste véritable » est « avide des influences profondes », il les recherche « avec une sorte d’avidité qui est comme l’avidité d’être ». Tout l’intérêt du livre de Decout est de savoir, non pas qui emprunte avec un plaisir non feint mais « Qui a peur de l’imitation ? » comme le dirait Edward Albee de Virginia Woolf en parlant de sa pièce. Et là, nous pourrions citer Malcom Lowry qui aura toutes les peines du monde à se remettre d’avoir écrit Ultramarine qu’il considérait comme une imitation, alors qu’il l’avait écrit sans savoir que quelqu’un d’autre s’était emparé du sujet. Ou bien Romain Gary prenant le pseudo d’Émile Ajar avec le rêve d’écrire dans une langue pour « penser à l’abri des sources d’angoisse et des mots piégés ». Un livre à lire !




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Minuit
« Paradoxes »
160 p., 18,00 €
couverture