Ariel Spiegler : C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment

 
par Narciso Aksayam

De quelle sorte dans ce livre serait le retentissement de sa conversion au Vivant Lui-même ? Comme on devine le Toucher sous l’apparat gansé d’une main, vêtue d’une résille de phrases ajourées, la Foi ici fait du moindre pronom tout un mystère, à moins que ce ne soit un rébus de soupçons. Enveloppé dans des feuillets de syntaxe blanche, dans les chiffons d’une narration brève comme une crypte indocile, « Dans le fouillis des ronces » disait Flaubert, un cœur simple – dont la pulpe des lèvres aux rousseurs préraphaélites susurre, murmure, épelle au pas des rues les rencontres citadines, amours fantômes et vastes vides à embrasser d’un Oui.
Amante certes d’une sagesse à laquelle elle émarge et qu’elle enseigne en coulisse1, c’est au ténu de la Psychè – qui sait ? la nôtre, la sienne, la tienne ? – que la poétesse s’attarde, s’inquiète, se penche, ou sourit, comme aux anecdotes qu’elle figure en détails succincts, petits comportements gestués de mœurs qui s’éveillent. Il y a quelqu’un. Quelqu’une. Et pas toujours Je. Non plus que quelconque. Quelques rimes parfois comptées, en –arde, en –ide, en –eu, en –ose, font des comptines apposées de syntaxes droites écloses ; de Genet ou bien d’Aragon on croirait deviner un air mais, primée par Saint Siméon, ce serait plus Apollinaire2. Pourtant ce sont moins fulgurances furieuses et provocations ivres qu’arpèges balbutiés en volutes, thymos intact sous un voile de lin léger, candeur parfois amère, parfois dansante, jouvence prépubère que vient rompre une âcre rayure de sperme, Mélancolie à l’œil brillant sous la javel des heures.




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poèmes
Corlevour
« Nunc »
112 p., 16,00 €
couverture

1. Le seul des poèmes qui soit dédié l’est à Renaud Barbaras, dont on aura suivi le tracé de Merleau-Ponty à Patočka, de La Vie lacunaire au corrélationnisme de la Dynamique de la Manifestation jusqu’à cette Métaphysique des sentiments qui nomme poétique la dimension d’existence qui nous met en relation avec notre sol d’être, et sentiment l’épreuve de ce sol…

2. Le recueil a reçu le 6 novembre 2017 le Prix Apollinaire Découverte, dont le jury est présidé par Jean-Pierre Siméon.